Observatoire de la Dynamique Côtière de Guyane

Retour sur la deuxième journée de l’EUCC Guyane (2ème partie) : les projets et études en cours à Awala-Yalimapo.

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Mairie de Awala-Yalimapo

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Les enjeux du littoral de Awala-Yalimapo (Jean-Paul FERREIRA, maire de Awala-Yalimapo)

Les populations de Awala-Yalimapo ont toujours été résilientes face à l’évolution du trait de côte, mais leur sédentarisation actuelle pose des problèmes en termes de gestion des risques naturels littoraux (érosion et submersion marine), d’accès à la mer depuis la modification de l’estuaire de la Mana et d’aménagement urbain.

Le Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) de la commune, approuvé en 2002, interdit toute construction de part et d’autres de la route principale. La révision de ce document permettrait de mieux définir les zones constructibles, notamment à Awala dont le bourg n’a plus d’accès direct à la mer.

Des thèses et études portant sur la compréhension du fonctionnement hydro-sédimentaire de l’estuaire du Maroni et de la plage des Hattes sont en cours et permettront de mieux déterminer l’évolution du trait de côte. Enfin, un projet de territoire porté par l’AUDeG vient de débuter à Yalimapo.

2)

Présentation du projet de paysage sur le site ADAPT’O des rizières de Mana (Johan PICORIT, Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles)

« Le paysagiste concepteur est l’un des acteurs qui participe à mener à bien un projet d’aménagement du territoire. Les sites d’interventions ont beaucoup à dire, qu’il s’agisse de paysages naturels ou anthropisés. Cette étude paysagère a pour but de mettre en valeur la beauté naturelle des lieux. À l’aide d’une panoplie d’outils, le paysagiste donne à voir l’identité du lieu, remonte le temps et retrace son histoire, ses évolutions. Il s’imprègne de la culture locale, des us et coutumes. Il a un rôle ambivalent : tout en se nourrissant de son environnement, il digère les données techniques, les sciences naturalistes et écologiques et permet de vulgariser l’information afin de la rendre accessible à tous. Les projets réussis sont bien souvent les plus discrets » (Johan Picorit).

L’objectif global du projet est de développer l’agro-tourisme. C’est en cherchant une certaine discrétion que Johan a pensé la mise en valeur touristique des rizières par la construction de points d’observation ancrés dans le paysage et peu visibles par l’avifaune, la mise en place de sentiers de randonnées et d’autres activités peu impactantes pour l’environnement (canoë, équitation, pêche récréative…). L’implication des agriculteurs locaux est un point central du projet, en permettant une diversification des activités agricoles sur les parcelles du Conservatoire (élevage bovin, abattis, riziculture, espèces fouragères…).

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Exemples d’aménagements possibles pour la mise en valeur paysagère, agricole et touristique des rizières de Mana (Johan PICORIT, ENS Paysage de Versailles, 2019)

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3)

Le projet de station de recherche de l’ouest guyanais (Vincent GOUJON, directeur de l’USR LEEISA, CNRS)

L’un des projets phare du CNRS est la construction de la station de recherche de l’ouest, qui sera implantée entre la maison de la Réserve Naturelle Nationale de l’Amana et les carbets communaux de Simili, sur la commune de Awala. Ce sont 6 500 m² qui serviront de point de départ aux équipes de recherche mixtes et internationales pour leurs travaux dans l’ouest, notamment les chercheurs surinamais qui participeront au projet GUYACOAST initié en 2019, dont l’ODyC est partenaire.

Cette station se veut ancrée dans le paysage et peu consommatrice en énergie. Panneaux photovoltaïques, énergie solaire, récupération de l’eau de pluie, ventilations naturelle, résistance aux insectes sont autant d’atouts dont elle devrait disposer. L’appel d’offre est en cours et prend fin le 15 avril prochain. Affaire à suivre…

4)

Le Plan d’Action National (PNA) pour les Tortues Marines (Rachel BERZINS, ONCFS et Damien CHEVALLIER, IPHC, CNRS)

La plage de Yalimapo est un site de ponte majeur pour 3 espèces de tortues marines (vertes, olivâtre et luth), la Guyane étant parmi les plus importants sites à l’échelle mondiale pour la reproduction de ces espèces. Récemment, les plages de nidification près de l’estuaire du Maroni, à la frontière entre la Guyane et le Suriname, accueillaient environ 40 % à 50 % de la population mondiale de tortues luths femelles.

Le PNA Tortues Marines 2014-2023 est un réseau d’acteurs qui a pour but d’améliorer les connaissances sur les espèces, diminuer les menaces à terre (braconnage, chiens errants…) et en mer (pêches accessoires, pollution…), de valoriser socio-économiquement les lieux de ponte, et de sensibiliser le grand public à la protection des espèces. L’accent est mis sur la coopération transfrontalière avec le Surinam, le Guyana et l’État de Amapa au Brésil. Ce sont 95 fiches actions qui relient la quarantaine d’acteurs locaux du PNA, dont la fiche opérationnelle OP7 qui s’intéresse à la dynamique côtière en tant qu’élément déterminant dans le choix des lieux de ponte des tortues marines (érosion, migration des stocks sédimentaires…). L’OP7 prévoit également de « réduire les causes anthropiques de détérioration des sites de ponte », notamment sur la plage des Salines à Rémire-Montjoly et la plage de l’Anse à Kourou (orienter l’éclairage public vers les terres, travaux ou évènements en dehors de la période de ponte, éviter les pollutions plastiques, ne pas bloquer le transit sédimentaire…).

En effet, le nombre de pontes de tortues luth baisse drastiquement chaque année en Guyane (7 000 pontes en 2008 à l’ouest de la plage de l’Anse, contre 200 en 2018). Ce phénomène est observé à l’échelle de leur bassin de vie, du Brésil aux eaux claires des Caraïbes. C’est pourquoi il est primordial de protégé l’espèce sur les plages de Guyane.

Pour plus d’informations, consultez la plaquette du PNA et l’essentiel du PNA.

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De gauche à droite : intervention de Morgane Jolivet, interventions à la mairie de Awala et participants à l’EUCC sur la plage de Yalimapo

 

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5)

Evolution de la pointe Isère et de la plage de Awala-Yalimapo (Morgane JOLIVET, doctorante, GDR LiGA, CNRS)

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Changement d’estuaire de la Mana entre 1972 et 2015 (GDR LiGA, CNRS)

 « L’extrême ouest du littoral Guyanais, depuis la crique Organabo jusqu’à l’estuaire du Maroni, est un bon exemple illustrant les changements côtiers rapides. Cette cellule côtière est affectée par une érosion continue depuis au moins 1950, au vu des photographies aériennes les plus anciennes, avec des taux de recul atteignant jusqu’à 150 m/an. En lien avec ces phénomènes d’érosion, ce secteur est aussi sujet à d’importants changements morphologiques, liés à de fortes interactions entre houle, vase et apports sableux locaux. L’évolution de l’estuaire de la Mana, avec l’ouverture d’une brèche dans le cap vaseux de la Pointe Isère, a conduit à un changement d’exutoire vers l’est. Cette nouvelle brèche a créé d’importants changements hydrauliques, favorisant la circulation vaseuse vers l’Ouest et l’élongation de flèches sableuses qui conduiront à la fermeture du littoral de Yalimapo en 2011. En conséquence, d’importantes modifications sont aujourd’hui à l’œuvre sur la plage des Hattes, principale plage sableuse pérenne de l’Ouest, désormais sujet à l’envasement. L’arrivée de ce banc de vase a bouleversé la dynamique de cette plage d’estuaire, fortement influencée par le Maroni. » (GDR LiGA, CNRS). Ces interactions complexes sur la morpho-dynamique de ce site est l’objet de la thèse de Morgane Jolivet « Compréhension de la morpho-dynamique des littoraux sableux de Guyane » (GDR LiGA) qui prend fin en 2019.

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6)

La Réserve Naturelle Nationale de l’Amana (Ronald WONGSOPAWIRO, chef des gardes, RNA)

Créée en 1998, la RNA est une association étroite de plages, mangroves, marais d’eau douce, lagunes saumâtres, savanes sèches, forêts sur sables blancs et pinotières formant une importante zone humide. Les plages de la réserve constituent l’un des sites les plus importants au niveau mondial pour la ponte de 4 espèces de tortues marines : la tortue luth, la tortue verte, la tortue olivâtre et plus rarement la tortue imbriquée. C’est pourquoi les gardes de la réserve travaillent en partenariat avec les habitants de Awala-Yalimapo pour réduire le braconnage des nids.

Ce site présente également un fort intérêt pour les oiseaux avec la présence de 286 espèces identifiées (ibis rouge, le tantale d’Amérique, le flamant rose américain, la spatule rosée, le canard musqué). La Savane Sarcelle, à l’est des bourgs de Awala et Yalimapo est un site privilégié pour certaines de ces espèces. La RNA est également le terrain de vie de grands mammifères dont certaines espèces à forte valeur patrimoniale comme le jaguar, le mystérieux raton-crabier, le cabiai, le tapir, la loutre géante, le singe hurleur roux… Parmi les 92 espèces reptiliennes, on peut citer entre autre le caïman à lunettes, l’iguane vert, l’anaconda ou encore le redoutable crotale. Les eaux de la réserve sont fréquentées par le lamantin, le dauphin de Guyane et le grand dauphin.

La richesse floristique croît au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la côte. Les plages offrent un paysage de végétations rampantes au fort pouvoir colonisateur. Plus en arrière, se dressent des fourrés de 2 à 4 m de haut constitués essentiellement d’Hibiscus tiliaceus. La mangrove s’impose, composée d’une mangrove côtière temporaire dominée par le palétuvier blanc et d’une mangrove d’estuaire permanente à palétuvier rouge. Enfin, vient « le début de la terre » avec une succession de forêts mêlées aux zones marécageuses.

L’équipe de la réserve accueille le public pour lui faire découvrir cette vie, sa richesse, sa beauté. Des sentiers de randonnées, comme le sentier Kanawa, offrent la possibilité de découvrir toutes les merveilles du site.

Source : site internet des Réserves Naturelles de France.

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Limites de la Réserve Naturelle de l’Amana (Patrick Gallier, RNA, 2016)

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Exemple de point d’observation des oiseaux intégré au paysage sur les rizières de Mana (Johan PICORIT, ENS Paysage de Versailles, 2019)

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