Observatoire de la Dynamique Côtière de Guyane

Présentation du littoral

Le littoral guyanais : Une des côtes les plus dynamiques de la planète

Les côtes de Guyane s’étendent sur un linéaire de 378 km entre les fleuves Oyapock à l’Est et Maroni à l’Ouest. Le littoral de Guyane, fait partie intégrante du système de dispersion des sédiments de l’Amazone et est caractérisé par une instabilité chronique parmi les plus importantes au monde (Anthony et al., 2014). Ces sédiments sont charriés depuis l’estuaire du fleuve jusqu’au delta de l’Orénoque au Vénezuala via des structures côtières nommés « bancs de vases ».

Environ 754 millions de tonnes de sédiments amenés par l’amazone, proviennent de la chaîne de montagne des Andes et sont charriés jusqu’au plateau des Guyanes.

Ces bancs de vase défilent sur nos côtes à une vitesse maximum de 3 km/an en moyenne en Guyane. Ces structures morphologiques dont la masse est de l’ordre de 2 milliards de m³ se forment au cours de la migration des sédiments (fins). Ces bancs de vase peuvent mesurer entre 10 à 60 km de long, être d’une largeur comprise entre 20 et 30 km et pour une épaisseur comprise entre 2 et 5 m.

littoral
Influence des sédiments amazoniens sur la zone côtière en aval du fleuve Orénoque

L’essentiel du linéaire côtier et de la plaine côtière sont donc composés de dépôts d’argiles plus ou moins consolidés et colonisés par la mangrove qui joue un rôle important dans la stabilité de notre littoral. Environ 80 % de la superficie de la bande littorale de Guyane est recouverte de mangroves en raison de sa situation géographique. En effet, l’eau chaude de la zone tropicale offre l’opportunité à cet écosystème de se reproduire à une vitesse de 6 à 10 tonnes / hectares / an et permet d’accueillir en son sein, de nombreux poissons, invertébrés marins et diverses espèces d’oiseaux. Lorsqu’un banc de vase se fixe à la côte, l’exondation (fait pour une terre inondée de sortir hors de l’eau) de la vase permet l’accueil des graines qui vont alors germer et coloniser l’ensemble. Localement, la mangrove est caractérisée par 4 espèces arborescentes :

  • Rhizophora ssp,
  • Avicennia germinans,
  • laguncularia racemosa
  • conocarpus erectus
macouria
Départ de mangrove sur le littoral de Macouria, Mars 2023
meret
Mangroves pionnières, Anse mérêt (mai 2023)

La vitesse de croissance des palétuviers en Guyane peut selon les années variées entre 2 et 4 m / an de hauteur.

La dynamique hydro-sédimentaire spécifique à notre territoire est à l’origine du déplacement de masses sédimentaires. Les bancs de vase subissent des processus de migration transversaux et longitudinaux en fonction de la houle, de la configuration de la côte, de la nature de la vase, des courants…

Ainsi, des secteurs dits « d’inter-bancs » subissent des phénomènes d’érosion, tandis que d’autres secteurs profitent d’une accrétion. La migration des bancs de vase implique que la mangrove est mobile en fonction de la poussée des sédiments d’est en ouest.

schema
Schéma de formation des cheniers (M.Moisan, 2011 ; d’après J.H. HOYT, 1969)

Le littoral se situe sur une plaine sédimentaire (côte d’accumulation) présentant une importante diversité morphologique.

  • Il existe les plages estuariennes, au niveau des embouchures, dont le sable provient des fleuves (exemple : la plages des Hattes, Awala-Yalimapo).
  • Les cheniers reposent sur des formations fines consolidées et se forment généralement sur des kilomètres de linéaire côtier en période d’inter-banc (exemple : la plage de la Cocoteraie, Kourou). Lorsque les conditions hydro-dynamiques se calment, les cheniers sont isolés de la mer par une progradation vaseuse.
  • Les plages de poche sont une troisième composante du littoral guyanais. Elles sont délimitées de part et d’autres par des promontoires rocheux (exemple : les anses de l’île de Cayenne).
Montabo
Plage de poche de l’anse de Montabo
(octobre 2023)
Awala
Plage estuarienne d’Awala-Yalimapo
(août 2023)
Kourou
Chenier de la plage du CSG, Kourou
(mars 2023)

Autre aspect unique sur les côtes du plateau des Guyanes, la présence de roches du socle précambrien qui ressortent uniquement aux niveaux de Cayenne, Kourou et Iracoubo sous la forme de « plateaux » et « d’îles et îlets » plus au large.

Le littoral guyanais se caractérise donc par sa diversité exceptionnelle.

C’est un espace à l’interface des milieux continentaux, marins et de l’atmosphère. Ces limites sont très théoriques et sont fixées vers la terre, là où les influences marines cessent d’exister et vers la mer, là où les influences continentales n’existent plus. Le littoral est un espace dynamique et mobile.

La frange littorale correspond à l’ensemble de 3 domaines :

schema etagement littoral
Étagement du littoral guyanais, survol drone de l’anse Nadau, septembre 2017
  • Le domaine supralittoral est soumis à l’action des processus subaériens. Il s’étend du niveau des plus hautes mers de vive-eau à la zone où le système dunaire s’arrête vers la partie continentale
  • Le domaine médiolittoral (intertidal) correspond à la zone soumise à l’action de la marée. Elle est comprise entre les niveaux des plus basses et des plus hautes mers des plus fortes marées
  • La zone infralittorale (subtidal) s’étend jusqu’à la zone de déferlement des vagues. C’est au sein de cet espace que les changements morphologiques et les transferts sédimentaires sont les plus importants.

Les activités anthropiques sont également un marqueur du littoral guyanais. Ce littoral représente environ 6 %, mais concentre pourtant, l’essentiel de la population et des activités économiques. Qu’ils s’agissent des activités portuaires (Dégrad-des-Cannes, Larivot…), de l’urbanisation en bordure du littoral (ouvrages de protection…), des activités touristiques ou agricoles, l’Homme aménage la bande côtière, impactant la dynamique naturelle et dont les conséquences sont souvent mal connues.

 

Le trait de côte est une réalité dynamique complexe qui se définit en fonction du terrain. En raison de la combinaison de toutes les influences, sa délimitation précise fluctue à différentes échelles de temps et d’espace. La position du trait de côte en Guyane est définie par des indicateurs géomorphologiques tels que :

  • la limite de végétation
  • la laisse de mer (dépôts de matériaux par la mer à marée haute)
  • le pied de talus d’érosion.
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Exemples de traits de côte pouvant être suivis
(Plage de Sablance, Macouria 2023)

L’observatoire de la Dynamique côtière de Guyane suit également les profils de plage (levés topo bathymétrique) pour connaître l’évolution sédimentaire du littoral.

Chiffre clé :

linéaire côtier : 378 km

Sédiments charriés : 754 millions de tonne

Masse moyenne des bancs de vase : 2 milliards de m³

Vitesse moyenne maximale de migration des bancs de vase : 3 km/an

Superficie de la mangrove : 80 % sur la bande côtière

6 à 10 tonne par hectare par an

vitesse de croissance des palétuviers : entre 2 et 4 m/an

concentration de la population sur le littoral : 95 %

part du littoral sur le territoire : 6 %

Source :

Lampert L., 2012. Actualisation de connaissances du domaine marin en Guyane Française, Ifremer, 51 p.

Longueville F., Aertgeerts G., 2018. Observatoire de la Dynamique Côtière de Guyane : bilan 2017. Rapport BRGM/RP-67756-FR. 89 p.

MEEDDM, 2010. La gestion du trait de côte. Édition Quae, Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, Paris, 304 p.

Moisan M., 2011. État de la connaissance de la caractérisation physique de la côte de Guyane, des pressions anthropiques et des impacts générés : Synthèse et Analyse critique – Rapport BRGM/RP-60823-FR. 116 p.

Moisan M. et De La Torre., 2014. Évolution du trait de côte en Guyane : Caractérisation de la dynamique côtière entre 1950 et 2013 à l’échelle régionale – Rapport BRGM/RP-62904-FR. 60 p.

Philippe E. (Co.), 2014. Glossaire « Risques Côtiers », Projet Cocorisco, 56 p.

rapport BRGM 2022 brunier nebel

Eisma, D., P. G. E. F. Augustinus, and C. R. Alexander. 1991. Recent and subrecent changes in the dispersal of Amazon mud. Netherlands Journal of Sea Research 28:181–192

 www.amazonwaters.org