Le risque : la combinaison d’un aléa et d’un enjeu. Graphies : MEDD-DPRR
L’aléa est un événement d’origine naturelle ou humaine potentiellement dangereux dont on tente d’estimer l’intensité et la probabilité d’occurrence. Les aléas littoraux connus sur nos côtes sont l’érosion et la submersion marine (voir ci-dessous). Dans un contexte de pénurie sédimentaire mondiale et en lien avec le changement climatique entrainant une hausse du niveau moyen des mers, les aléas ont tendances à s’intensifier.
Les enjeux constituent ce que l’on risque de perdre. Ils sont représentés par la valeur humaine, économique ou environnementale des éléments exposés à un aléa. Les enjeux sociétaux d’aujourd’hui sont d’autant plus vulnérables en lien avec l’urbanisation galopante, l’artificialisation du rivage…
Pour évaluer la vulnérabilité d’un territoire, il faut en plus des enjeux, prendre en compte les représentations des habitants (en lien avec les connaissances et les comportements des personnes concernées), ainsi que la gestion du risque par les outils de prévention existants et les politiques adoptées et mises en œuvre par les différentes autorités compétentes. Ainsi la vulnérabilité caractérise une société (ou un individu) soumis à un risque.
Le risque se définit par la probabilité de survenue d’un ou plusieurs aléas et ses conséquences sur les enjeux.
Les risques côtiers comprennent l’érosion par recul, brutal ou plus lent, du trait de côte quelle que soit la nature de celui-ci (rocheux, sédimentaire), l’engraissement (envahissement dunaire, ensablement et envasement) ainsi que la submersion lente ou brutale des espaces littoraux continentaux.
Talus d’érosion à Awala, février 2018. Enrochement pour faire face à l’érosion, Rémire-Montjoly, 2017. Cocotiers effondrés au quartier des 205, Kourou, février 2018.
Les aléas “érosions” et “submersions marines”, qui sont à l’origine des dommages sur la côte se caractérisent par les critères suivants :
la magnitude : puissance du phénomène naturel (recul du rivage, hauteur de houles, vitesse du vent…),
l’emprise spatiale : territoire dans lequel sont enregistrés les impacts produits par les aléas,
la durée d’action : se caractérise à la fois par la « durée d’action immédiate » et la « durée d’action différée »,
l’intensité : rendre compte de l’importance des dommages générés par le phénomène,
la probabilité d’occurrence : probabilité qu’un aléa se produise sur une période donnée.
ÉROSION
L’érosion côtière est mesurée par un constat de terrain, mais correspond bien à une tendance évolutive de long terme.
Pour connaître l’évolution, il s’agit de mener une étude diachronique de la position du trait de côte et d’analyser le bilan sédimentaire, adaptée au milieu que l’on étudie.
L’érosion du littoral se traduit par les processus naturels qui conduisent à la perte de volume de matériel vers la mer pour les formations constituant le rivage. Le recul du trait de côte est davantage une variation négative du volume de sédiments présents, qui ne signifie pas forcément une perte de matériel définitive.
pour les côtes rocheuses, c’est un processus irréversible,
pour les côtes d’accumulations sédimentaires (sable ou vase), le processus peut être temporaire et va se succéder avec des périodes d’accumulation.
L’anse Nadau exposé aux fortes houles, Cayenne, février 2015
Les causes de l’érosion résultent dans le déséquilibre en lien avec l’évolution des forçages littoraux (marée, houle, courants…) et subaériens ou continentaux (pluie, vents, ruissellement…). La pénurie en sable et en galets sur les côtes est également une des causes de l’érosion actuelle. La pénurie du stock sédimentaire a débuté après la fin de la dernière transgression postglaciaire et s’est accentuée à l’époque contemporaine par des interventions humaines (extraction de sable, construction de barrages sur les fleuves, implantation d’ouvrages sur la côte…). Ainsi, le système est également aggravé par les activités humaines et l’aménagement du territoire (ouvrages de protection, aménagement portuaire, piétinement des dunes…).
SUBMERSION MARINE
La caractérisation de l’aléa « submersion marine » est réalisable à partir d’une analyse historique des inondations littorales, d’une analyse fréquentielle des paramètres océaniques (niveaux marins) et éventuellement d’une modélisation numérique.
Il s’agit d’un envahissement temporaire, souvent brutal, et l’ennoiement (submersion d’une zone côtière par les eaux marines à la suite d’une remontée du niveau de la mer) d’un domaine littoral continental par la mer. Les submersions marines peuvent durer de quelques heures à quelques jours. Il s’agit d’un phénomène naturel principalement lié aux conditions de marée, aux états de mer, aux vents et à la pression atmosphérique. En général, ces surélévations temporaires du niveau de la mer apparaissent lors des tempêtes, cyclones ou tsunamis.
Trois différents modes de submersion marine sont répertoriés :
rupture d’ouvrage ou de cordons dunaires,
débordement,
franchissement de paquets de mer.
La submersion marine. Crédit : BRGM.
Lors d’une submersion marine, le niveau du plan d’eau s’élève de part la surcote atmosphérique, de la surcote des vagues et de la marée. Le niveau instantané du plan d’eau dépendra du jet de rive : on appelle “run-up” la côte maximale atteinte par la mer au-dessus d’un niveau de référence.
En Guyane, la côte étant très plate, le risque de submersion est élevé pour les zones situées en inter-banc. De plus, l’urbanisation et l’imperméabilisation des sols (routes, bâtiments..) empêche l’eau de s’infiltrer et donc d’évacuer correctement les eaux.
Il existe des facteurs “aggravants” qui accentuent les aléas côtiers :
le cycle nodal : tous les 18,6 ans, l’amplitude de marée augmente en lien avec les caractéristiques de positionnement des astres (Soleil, Terre, Lune). C’est à ce moment là que l’on entend parler de “marée du siècle”, ce qui signifie qu’on atteint des coefficients de marée de 119 ou 120,
El Nino : ce phénomène accentue le régime des vents et des Alizés de façon irrégulière (période de retour de 2 à 7 ans). Sur les côtes guyanaises, cela impact donc les houles qui arrivent sur le littoral,
les cyclones sur l’arc antillais : la Guyane de part sa situation géographique n’est pas soumis aux cyclones mais peut cependant enregistrer sur ces côtes des houles résiduelles de ces phénomènes lointains,
le changement climatique en cours…
Big-Bag en renfort de la digue de sable, Kourou, février 2018. Muret de protection contre la mer, Cayenne, 2011. Stabiplages sur les Salines, Remire-Montjoly, février 2018.
La Guyane n’est pas à l’abri des effets du changement climatique global. En plus de l’augmentation de la température de l’air, se sont également les régimes de pluies ou encore l’élévation du niveau de la mer qui vont impacter notre territoire.
Depuis le début de l’ère industrielle, l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère réchauffe notre planète. Entre 1955 et 2009, Météo-France a enregistré en Guyane, une augmentation de la température de 1.36°C. Cette augmentation modifie sérieusement la répartition des espèces marines et terrestres.
Les tendances montrent qu’à la fin du 21e siècle, l’élévation du niveau de la mer globale atteindrait entre 0,18 et 0,59 mètre. Les observations par altimétrie spatiale mettent en évidence une augmentation du niveau moyen de la mer au large de la Guyane de 3,5 mm/an entre 1993 et 2012. Les houles de tempêtes généreraient davantage de surcotes. Ceci aggraverait les risques de submersion marine, l’écosystème des mangroves, mais également la remontée des fronts de salinité dans les captages d’eau sur le littoral.
Malgré les incertitudes existantes, il est important de connaître et d’anticiper ces changements pour s’adapter et réduire la vulnérabilité du territoire guyanais.
Évolution du niveau moyen de la mer entre 1993 et 2012 en Guyane. Météo-France
Source :
BRGM Guyane : www.brgm.fr/projet/impact-changement-climatique-guyane-aleas-vulnerabilites, consulté en janvier 2018
BRGM Guyane : www.brgm.fr/projet/changement-climatique-guyane-impacts-potentiels-aleas-pistes-adaptation, consulté en janvier 2018
DEAL Guyane : www.guyane.developpement-durable.gouv.fr/impacts-potentiels-du-changement-climatique, consulté en janvier 2018
Hénaff A. (Ed.), Philippe M., 2014. Gestion des risques d’érosion et de submersions marines, guide méthodologique. Projet Cocorisco, 156 p.
MEEDDM, 2010. La gestion du trait de côte. Édition Quae, Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, Paris, 304 p.
Moisan E., 2011. Etat de la connaissance et de la caractérisation physique de la côte en Guyane, des pressions anthropiques et des impacts générés : Synthèse et analyse critique. Rapport BRGM/RP-60823-FR, 116 p.
Observatoire Côte Aquitaine : www.observatoire-cote-aquitaine.fr/Les-risques-cotiers, consulté en janvier 2018
Philippe E. (Co.), 2014. Glossaire « Risques Côtiers », Projet Cocorisco, 56 p.