Les enjeux constituent ce que l’on risque de perdre. Ils sont représentés par la valeur humaine, économique ou environnementale des éléments exposés à un aléa. Les enjeux sociétaux d’aujourd’hui sont d’autant plus vulnérables en lien avec l’urbanisation galopante, l’artificialisation du rivage ou encore le changement climatique.
Le programme “COCORISCO” mené entre 2011 et 2015 (Bretagne), « COnnaissance, COmpréhension et gestion des RISques CÔtiers », s’est notamment intéressé à la notion de vulnérabilité, mais également à la caractérisation des enjeux.
L’identification et la hiérarchisation des enjeux repose sur l’analyse de leur vulnérabilité, au sein de laquelle on peut distinguer :
les enjeux humains qui repose sur le principe de responsabilité collective,
les enjeux matériels dont on distingue les pertes tangibles (mesurables par une valeur monétaire) et les pertes intangibles (tel qu’un écosystème ou un espace récréatif),
les enjeux opérationnels liés à la gestion de crise.
L’évaluation des vulnérabilités doit se faire à un niveau local, car chaque enjeu doit être contextualisé face aux aléas lui correspondant et la perception des individus qui se l’approprie. L’évaluation des enjeux doit permettre de mieux connaître le territoire pour faire face notamment aux conséquences du changement climatique sur le littoral guyanais.
ENJEU HUMAIN
L’enjeu humain est un enjeu de protection de la vie humaine. C’est un enjeu clé car il est considéré comme inadmissible. Il peut être décrit par les chiffres de population, la densité ou encore selon des facteurs de vulnérabilité (âges, mobilité…). C’est un enjeu difficile à estimer car mobile.
Actuellement, c’est 80 % de la population guyanaise qui habite et travaille sur la frange littorale.
Enjeux humains et bâtis face à la submersion marine route de l’Anse, Kourou, février 2016. Activité économique du Grand Port Maritime, Rémire-Montjoly, avril 2018. Enjeu de préservation de l’environnement sur la plage des Salines, août 2017.
BÂTI
L’enjeu du bâti est un enjeu clairement identifié. En général, on comptabilise et identifie la fonction des bâtiments. Il s’agit également d’évaluer la valeur immobilière et la vulnérabilité des lieux (nombre d’étages, année de construction…). C’est à nouveau un enjeu de protection de la vie humaine et des biens.
Pour connaître les infrastructures susceptibles d’être en zone “Risque Littoral”, il est nécessaire de consulter les “Plans de Prévention des Risques Littoraux” de vos communes ou bien via Géoguyane.
ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
Les activités économiques représentent les zones d’activités, d’emploi, mais également les activités agricoles. Un intérêt tout particulier peut être porté aux activités à “risques” (pollution) ou celles susceptibles d’être mobilisées en période de crise. Il s’agit d’enjeux de protection des biens, dans lesquels il faut identifier la nature du terrain, le nombre d’employées, la fréquentation…
La Guyane est dotée d’un certain nombre de pôles d’activités sur le littoral : le Centre Spatial Guyanais, les activités de pêche, anciennement les rizières de Mana ou encore toutes les activités de loisirs présentent en bord de mer (restaurants, sports nautiques…)
MILIEUX NATURELS
Les zonages et dispositifs de protection et de réglementation servent à l’évaluation des enjeux “milieux naturels”. Il s’agit dans ces milieux de guider les choix des stratégies de prévention et d’intervention. C’est donc un enjeu de protection de l’environnement.
Les côtes de Guyane sont notamment connues pour accueillir chaque année les tortues, dont les emblématiques tortues luths, qui viennent pondre sur les plages sableuses. La préservation de cet écosystème naturel est donc un important enjeu local.
ÉTABLISSEMENTS VULNÉRABLES
Les établissements recevant du public par exemple, font l’objet de cette catégorie. Il s’agit de recenser et de décrire dans ce cas là et de façon détaillée les fonctions, la capacité d’accueil, les facteurs de vulnérabilité, la présence de produits dangereux… L’enjeu des établissements vulnérables correspond à la fois à des enjeux de protection des biens, de la vie humaine et de l’environnement.
En Guyane, on recense des écoles, des ERP (établissements recevant du public : hôtels, restaurants…) ou encore des activités économiques qui se situent sur la frange littorale et font partie des enjeux en lien avec le littoral.
ERP sur le littoral, Rémire-Montjoly, février 2018. Village amérindien, Kourou, 2017. Route de l’Anse menacée par l’érosion, 2017
PATRIMOINE CULTUREL
Tel que les monuments historiques ou sites archéologiques, le patrimoine culturel fait état d’une catégorie d’enjeu particulier, dans ce sens, qu’ils peuvent permettre de prévenir d’éventuelles mesures conservatoires. On recense dans ce cadre la nature, la valeur patrimoniale ou encore le statut de protection de ces enjeux qui correspondent à une protection des biens.
De nombreux vestiges amérindiens, se trouvent sur les barres pré-littorales. Propre à la Guyane, la préservation de la culture amérindienne est un enjeu sans précédent, dont l’adaptation historique aux phénomènes littoraux est source d’inspiration.
RÉSEAUX
Parmi les réseaux les mieux recensés dans les enjeux du territoire, on retrouve les voies de communication, en tant que structure essentielle à la gestion de crise (acheminement des secours, évacuation de la population…). Ce sont également les réseaux d’énergie, de télécommunication ou d’eau qui sont recensés. Ainsi les points sensibles peuvent être surveillés en période de gestion de crise.
Qu’il s’agisse des réseaux de télécommunications (câble sous-marins : projet du câble Kanawa) ou des voies de communication (route de l’Anse à Kourou qui a disparu avec l’érosion), les réseaux guyanais sont contraints par la dynamique du littoral.
ÉQUIPEMENTS STRATÉGIQUES
Lorsque l’on évoque les équipements stratégiques il s’agit de faire référence aux fonctions opérationnelles de la gestion de crise (gendarmerie, préfecture, mairies…). Cet enjeu recense notamment les équipements situés hors des zones exposées au risque, afin de planifier la gestion de crise (matériel disponible, capacité d’accueil, coordonnées des responsables…).
Renseignez-vous sur l’existence d’un DICRIM (Document d’Information Communal sur les RIsques naturels Majeurs) pour connaître les procédures à suivre en cas de crise littoral.
L’ensemble des données collectées doivent permettre de répondre aux objectifs initiaux de l’Observatoire de la Dynamique Côtière de Guyane, qui sont :
doter le territoire d’un outil d’observation accessible et pérenne de la dynamique côtière ;
produire, collecter, harmoniser et diffuser les connaissances relatives aux phénomènes littoraux guyanais ;
fédérer l’ensemble des acteurs en intégrant notamment, les démarches existantes ;
sensibiliser le public aux enjeux présents sur la bande côtière ;
apporter des éléments d’expertise et d’aide à la décision pour la gestion cohérente et durable du littoral auprès des collectivités territoriales, des gestionnaires et des bénéficiaires des espaces côtiers.
Le partage des données, des techniques et de l’instrumentation entre les différents organismes de recherche, l’amélioration des connaissances sur la dynamique des bancs de vase, une meilleure prise en compte de la perception des habitants sur l’écosystème littoral ou encore l’aide à l’aménagement des sites côtiers sont autant de pistes à explorer pour l’ODyC.
Littoral dans la région de Cayenne en septembre 2011 et survol de Cayenne par drone en septembre 2017.
Source :
Hénaff A. (Ed.), Philippe M., 2014. Gestion des risques d’érosion et de submersions marines, guide méthodologique. Projet Cocorisco, 156p.