EUCC Guyane : Jour 1 (part. 2)

EUCC Guyane : Jour 1 (part. 2)
Par ODyC dans Actualités Publié 22 mars 2019 0 Commentaires

Retour sur la première journée de l’EUCC Guyane (2ème partie) : focus sur l’aménagement des littoraux de Cayenne et Rémire-Montjoly.

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Plage de Montjoly, Rémire-Montjoly

1) 

Les Salines de Montjoly, une lagune perchée en zone urbaine (Virginie DOS REIS, gestionnaire des Salines, association Kwata)

« En pleine zone urbaine, l’espace des Salines est remarquable par la diversité de ses milieux écologiques qui s’organisent sous forme de différents faciès (cordon dunaire, mangrove, zone d’eau libre, marais inondé et zone forestière). Ce système lagunaire est unique dans l’ensemble du plateau des Guyanes. On note la présence sur le site de 3 espèces remarquables (l’ibis rouge, le Canard musqué et la Sarcelle à ailes bleues) et 17 espèces protégées. Ce sont en tout 97 espèces d’oiseaux qui ont été recensées sur le site (ONF, GEPOG, 2006) » (Virginie Dos Reis).

Le Conservatoire du Littoral est propriétaire des 63 ha de ce site exceptionnel et l’association Kwata en est le gestionnaire depuis 2012. La plus forte fréquentation s’effectue sur le carbet, zone la plus haute et la plus salée des Salines. C’est également la seule zone de mangrove ouverte au public en Guyane. Elle bénéficie également aux associations d’éducation à l’environnement pour le développement d’animations diverses.

Les évènements de submersion marine qui ont affecté la zone en 2012 ont conduit la commune à mettre en place un réseau de « voisins vigilants ». Lors d’épisodes pluvieux importants, les services communaux sont prévenus par la population et l’exutoire est ouvert mécaniquement. Ceci provoque un assèchement brutal du site et des épisodes de sécheresses dans les parties les plus hautes. D’autres actions anthropiques génèrent des pressions sur le milieu : décharges informelles (présence de mercure et de plomb notamment), eaux usées déversées sans traitement dans les marais, feux volontaires… Cet espace fragile et changeant est également contraint par les modifications du trait de côte. Un apport en eau de pluie important, conjugué à un cordon dunaire étroit et une forte marée peuvent entraîner l’ouverture des Salines vers la mer.

2)

Le système Stabiplage  (Amélie AUGUSTE, chargée de mission Environnement, mairie de Rémire-Montjoly et François LONGUEVILLE, ODyC, BRGM)

En décembre 2016, cinq Stabiplages© (boudins géotextiles) ont été installés sur la plage de l’anse de Montjoly : 4 perpendiculaires à limite de jet de rive et un parallèle. Face à  la vulnérabilité des habitations situées en haut de plage, la commune de Rémire-Montoly a souhaité être accompagnée dans la mise en place d’une mesure douce de gestion du trait de côte à titre expérimental. L’objectif de cet ouvrage est de bloquer et de maintenir le stock sédimentaire. Une fois que l’ouvrage est complètement enseveli le transport du stock sédimentaire devrait retourner à la normale. À l’heure actuelle, la dérive littorale étant d’est en ouest, l’ouvrage favorise une accrétion au droit de l’ouvrage mais entraîne une érosion en aval de la dérive. À l’échelle de la plage l’érosion a lieu principalement sur l’estran. Dans le cadre des missions de l’ODyC, un suivi particulier de ces ouvrages est réalisé avec :

  • l’acquisition d’orthophographie par drone et la réalisation d’un MNT
  • l’acquisition d’un profil topographique
  • profil bathymétrique supplémentaire au droit de l’ouvrage

Le dernier rapport technique du BRGM présentant les résultats de l’année 2018 sera bientôt disponible sur le site de l’ODyC.

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Anse Châton, pointe Buzzaré et poudrière, Cayenne

3)

Cayenne : vers la reconquête du front de mer (Eric THEOLADE, Directeur général des Services techniques de la ville de Cayenne)

Le littoral de Cayenne est composé de deux principales entités : des pointes rocheuses et des plages de sable, espaces qui seront plus ou moins accessibles en fonction de la progression de la mangrove. Le littoral de Cayenne n’en devient pas moins attractif et, comme il a été souligné à plusieurs reprises au cours de l’EUCC, les Guyanais continuent de fréquenter le « bord de mer » en période de mangrove, bien qu’il ne soit pas toujours visible. L’aménagement de ces espaces doit prendre en compte ces changements parfois brutaux. Des aménagements réversibles pourraient être étudiés. La reconquête du front de mer est une priorité en termes d’aménagement et est inscrite dans le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la ville.

Des projets ont déjà vu le jour :

  • aménagement de la pointe Buzzaré (carbets, amphithéâtre et sentier)
  • aménagement de la place des Amandiers en espace de détente et de restauration privilégié
  • réhabilitation de la pagode du fort Cépérou
  • mise en sécurité de la digue du Vieux-Port (barrière et éclairage nocturne)

D’autres sont à l’étude :

  • création d’un sentier littoral entre Rémire-Montjoly et le Vieux-Port, permettant de valoriser les continuités écologiques et les modes de déplacement doux
  • aménagement en aire de détente de l’anse Châton, en collaboration avec le Conservatoire du Littoral, propriétaire du site
  • réhabilitation de l’hôpital Jean Martial en musée par la CTG
  • réaménagement du canal Laussat (palplanches, passage piéton, zone arborée, traitement des eaux usées…)

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De gauche à droite : derrière la Poudrière, à la pointe Buzzaré et sur le ponton des Salines de Montjoly

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Centre IRD, Montabo, Cayenne

4)

L’anse Châton (Catherine CORLET, responsable de l’antenne du Conservatoire du Littoral de Guyane)

Le Conservatoire du littoral est un établissement public administratif de l’État créé en 1975 en réaction à l’urbanisation croissante des littoraux français. Il a pour mission de protéger les espaces littoraux par la maîtrise foncière. Sur les terrains qu’il acquiert, il mène des opérations de restauration écologique et, parfois, de mise à disposition du public (sentiers pédestres, aires de détente, artisanat local…). Il confie la gestion de ses sites aux collectivités locales ou à des associations de protections de l’environnement. En Guyane, le Conservatoire intervient sur une vingtaine de sites pour une superficie totale de plus de 48 500 ha.

A Cayenne, les services communaux sont gestionnaires de l’ensemble des 50 ha du Conservatoire du Littoral. L’aménagement de l’anse Châton a pour but de développer l’attractivité du site tout en maintenant son bon état écologique. Sont prévus des espaces de restauration libres, une aire de jeux, une fresque sur le milieu marin, l’implantation d’arbres et plantes locales. L’ensemble des aménagements devra également prendre en compte les périodes de bancs et d’inter-bancs ; ceux-ci seront exclusivement terrestres afin d’éviter toute destruction. Une étude paysagère a été menée et le programme d’aménagement du site doit débuter prochainement.

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5)

Présentation du projet CORNICHE (Jeanine ROBINSON, Direction développement économique, CACL)

En 2014, un constat est fait : les plages de Cayenne et Rémire-Montjoly sont les premiers sites touristiques du territoire de la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral (CACL), et paradoxalement très peu aménagées. C’est pourquoi le Schéma intercommunal pour le développement du territoire de la CACL, rédigé en 2014, prévoit dans son axe 4 le renforcement de l’attractivité résidentielle et touristique de l’Agglomération, notamment sur son littoral.

La commune de Rémire-Montjoly est la première à bénéficier du support technique de la CACL pour l’aménagement des 14 km de bande côtière entre le mont Bourda et la zone portuaire de Dégrad des Cannes. Encore à ses balbutiements, le projet de la CACL fait ressortir des besoins en stationnement le long de la route des Plages et le développement d’activités de restauration et d’hôtellerie dans la partie est de la zone.

Ce projet s’inscrit dans l’« anneau vert » mis en évidence par les deux premières séances de co-production des Ateliers du territoire animés par l’Agence d’Urbanisme et de Développement de Guyane (AUDeG). En reliant géographiquement divers projets, cet anneau vert préfigure une continuité écologique entre la Crique Fouillée et les littoraux de Cayenne et de Rémire-Montjoly.

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6)

Le projet interdisciplinaire DYALOG (Marianne PALISSE, anthropologue, GDR LiGA, CNRS)

« En Guyane, le littoral est extrêmement mobile. Or, c’est aussi là que se concentre la majeure partie de la population et des infrastructures, et que sont engagés de nombreux projets d’aménagement, en réponse à la croissance démographique. Dès lors, il est important de comprendre comment ces espaces ont été occupés dans le passé, comment les populations vivaient ces changements, et comment elles s’y adaptaient, notamment par des modes d’habiter spécifiques. On peut aussi se demander si les modalités d’adaptation d’autrefois restent pertinentes aujourd’hui, et repérer quels sont les facteurs contemporains de la vulnérabilité de ces populations » (Marianne Palisse).

Pour cela, le projet DYALOG (Dynamique, Adaptabilité et vulnérabilité des populations de l’ouest guyanais face au changement côtier) a développé une démarche interdisciplinaire originale, regroupant des chercheurs en anthropologie, histoire, géographie, géomorphologie et écologie. Il s’agit à la fois de travailler sur la mémoire et les savoirs des populations relatifs au changement côtier, et de mettre ces éléments en dialogue avec les connaissances de l’écologie sur les évolutions des milieux et l’étude de la dynamique morphologique des bancs de vase et des plages.

Focus sur les changements d’occupation du sol entre Sinnamary et Awala-Yalimapo. Avant la période coloniale, il semble que cette zone ait été peu habitée. Les populations Kalin’a s’y sont réfugiées avec l’implantation de colonies entre Cayenne et Iracoubo. Les colons ont rapidement délaissé les cordons sableux peu fertiles. Les zones de pripri (marais en créole), transformées en presqu’île durant la saison des pluies, n’ont pas non plus retenu leur attention. Celles-ci sont alors rapidement utilisées par les communautés affranchies, notamment créoles. En effet, elles sont au croisement de toutes les ressources (pêche, chasse, cueillette, agriculture). On parle alors de « contre-plantation » car ces habitations sont synonymes de liberté, d’abondance et de multi-activité. Elles sont construites en matériaux légers et facilement démontables. Eloignées les unes des autres, elles sont reliées aux centre-bourgs par des chemins souvent inondés. Traditionnellement, les bourgs créoles étaient situés en arrière du littoral, protégés des aléas côtiers et de la modification du trait de côte.

Parallèlement, les villages Kalin’a situés entre Iracoubo et Awala-Yalimapo se déplacent facilement en fonction de la ressource, des aléas naturels et des croyances populaires, à la manière du bourg Gros Roche à Iracoubo qui s’est dépeuplé petit à petit depuis les années 1950.

Focus sur le travail de l’équipe DYALOG à Kourou ici.

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De gauche à droite : ancienne cale de mise à l’eau derrière la Poudrière, sur la plage de Montjoly devant le site du Conservatoire du Littoral, très jeune pied de palétuvier dans la vase sur la plage de Montjoly

 


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